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Menace sur les microbes. Les virus bactériens attaquent ! Pascale Boulanger

jeudi 26 janvier 2007, Institut de Biochimie et Biophysique Moléculaire et Cellulaire, Faculté des sciences d’Orsay

Jeudi 26 janvier, alors que le thermomètre flirtait avec les températures négatives, les participants au quatrième jeudi de la recherche 2006-2007 ont été accueillis par Pascale Boulanger à l’Institut de Biochimie et Biophysique Moléculaire et Cellulaire autour d’un sujet de saison : les bactéries et les virus !

Zoologie des microbes

Colonies de bactéries cultivées sur un milieu nutritif. © Pascale Boulanger

Dans notre imaginaire, les bactéries sont bien souvent associées à l’image de microbes et de maladies : angine, listériose, salmonellose… Ces bactéries sont des êtres vivants formés d’une seule cellule et dont la taille est de l’ordre du micron (1/1000 de mm). On en trouve partout dans notre environnement : dans les eaux, les sols, chez les végétaux et les animaux, dans les milieux les plus extrêmes (eaux acides ou brûlantes, déserts…). Dans notre corps, nous abritons 10 fois plus de bactéries que nous n’avons de cellules et la plupart d’entre elles nous sont utiles, pour digérer par exemple. Certaines bactéries sont utilisées dans les processus de fermentation, pour fabriquer des yaourts, etc.

Ce qui est frappant chez les bactéries, c’est la vitesse à laquelle elles se reproduisent. Elles se dupliquent en moyenne toutes les ½ h. Petit calcul tout simple : en une journée cela donne 48 générations de bactéries, soit 281.000 milliards d’individus à partir d’une seule bactérie. Les participants ont pu découvrir cette croissance exponentielle – et impressionnante – des bactéries, filmée sous un microscope.

Les virus, eux, sont encore plus petits (de l’ordre du dixième de micron). Ils sont à la frontière du monde vivant car ils ne sont pas autonomes : pour vivre et se reproduire, ils ont besoin d’une cellule hôte qu’ils envahissent et dont ils détournent les fonctions vitales à leur profit. Le plus souvent, ils conduisent à la mort de la cellule qu’ils ont infectée pour se multiplier.

Plus surprenant encore : les bactéries ont des virus !

Le phage T5 vu en microscopie électronique © Pascale Boulanger

Ce qui intéresse Pascale Boulanger et ses collègues, ce sont des virus particuliers, appelés bactériophages (ou phages). Les plus petits connus, les plus nombreux sur la planète, ils infectent les bactéries, et de façon très spécifique. A chaque bactérie, sa collection de phages ! Le phage T5 qui infecte Escherichia coli (bactérie normalement présente dans notre intestin, mieux connue sous le nom de colibacille) possède, comme de très nombreux phages, une structure à la fois simple et remarquable : une « tête » en forme d’icosaèdre – polyèdre régulier à 20 faces – contenant l’ ADN, molécule très longue, enroulée sous forme d’une pelote dense et extrêmement bien organisée. Cette tête est reliée à une « queue » qui permet au phage de reconnaître la cellule à infecter et de s’y accrocher. Une des choses que les chercheurs essaient de comprendre, c’est comment une telle structure peut s’assembler, et quelles sont les conséquences de cette organisation sur le bon déroulement de l’infection. En effet, lorsque la queue du phage s’accroche sur « sa bactérie cible », la molécule d’ADN est injectée dans la bactérie en quelques secondes, ce qui déclenche la fabrication de nouveaux virus. Ceci serait impossible si l’ADN n’était pas si bien rangé (imaginez une pelote de laine emmêlée sur laquelle on tire…).

Le public a pu juger par lui-même de l’efficacité redoutable de ces bactériophages en visionnant un petit film. Les bactéries, qui tout à l’heure se multipliaient allègrement, disparaissent une à une parce qu’elles explosent sous l’action d’ennemis invisibles au microscope optique : les bactériophages.

Les bactériophages : amis ou ennemis ?

Ils ne sont a priori pas dangereux pour l’homme puisqu’ils n’infectent que les bactéries mais imaginez les ravages qu’ils peuvent faire sur une cuve de fermentation de yaourt ! C’est d’ailleurs pour cela que l’industrie laitière s’y intéresse depuis longtemps. Aujourd’hui, les chercheurs voient en eux une piste à ré-explorer, pour lutter contre certaines infections d’origine bactérienne. L’action de ces virus sur des maladies comme la fièvre jaune ou le choléra a été mise en évidence, au Guatemala et en Inde notamment, dès le début du XXème siècle par le biologiste canadien Félix d’Hérelle, mais l’essor des antibiotiques pour lutter contre les bactéries n’a pas laissé beaucoup de place pour ce type de recherche. Des médecins de pays de l’Est, en Géorgie notamment, pour qui les antibiotiques n’étaient pas abordables, pratiquent la « phagothérapie » depuis 1930 avec un certain succès, recherchant pour chaque patient et chaque infection bactérienne un type de phage adapté. Ils guérissent ainsi les bénignes angines des enfants mais aussi certaines pathologies sévères, comme les infections très étendues qui affectent les grands brûlés. Depuis quelques années, en raison de l’émergence d’infections bactériennes résistant aux antibiotiques et devant l’angoisse du terrorisme biologique (contamination par le bacille du charbon par exemple), les phages reviennent sur le devant de la scène.

Lors de la visite du laboratoire, le public a pu découvrir les instruments de recherche utilisés pour cultiver des bactéries, purifier et analyser les protéines des phages, et observer la structure des virus … Ces recherches, menées en collaboration avec des physiciens et des biologistes d’autres laboratoires en France, en Europe et aux Etats-Unis, contribuent à lever le voile sur la biologie de ces virus, omniprésents et pourtant si mal connus.